La France boit la vie en rose. Dans le sillage de l’explosion des ventes de vin rosé (un tiers du vin écoulé en grande distribution), les marques de boissons alcoolisées -champagne, bière…- succombent de plus en plus à la mode du rose. Une teinte qui leur permet de séduire de nouvelles clientèles.
Il y a quelques semaines, Kronenbourg sortait une déclinaison rosée de sa bière traditionnelle, baptisée « K ». Une sobriété dans le choix du nom qui contraste avec le pétillant de sa robe couleur fruits rouges. La cible, les 20-30 ans, une clientèle « qui vise une valorisation à travers les produits qu’elle choisit, l’image véhiculée est donc primordiale, et c’est le cas de K, qui véhicule modernité, fun et fantaisie », nous confiait la marque peu avant la sortie de son nouveau produit. Pernod-Ricard avait lui aussi tenté le pari dès l’an dernier : mettre son pastis 51 à la mode rosée. Le résultat est bon : 300 000 litres de 51 rosé ont trouvé preneur, malgré un prix constaté légèrement plus élevé que la version « classique » (+7.5% au litre, en moyenne**).
Le rose dans les boissons, ça marche. « C’est une couleur qui opère une rupture dans les linéaires, en donnant une note sucrée et gourmande au produit, explique Elizabeth Condemine, fondatrice de l’agence Couleur & Marketing. Aujourd’hui on a envie de boire de façon plus festive, sans trop d’alcool. » La teneur en alcool est ainsi passée de 45° à 35° sur 51 rosé. La clientèle suit. Selon Pernod-Ricard, 50% des acheteurs de 51 rosé ne consommaient pas la marque auparavant et 40% ne buveaient même pas d’anisés. « Le rose dans les boissons ne choque pas, puisque l’on a toujours mis de l’eau dans son vin et que le vin rosé lui-même est devenu très courant », poursuit-on chez C&M.
In vino veritas
C’est en effet au rayon vin, semble-t-il, qu’il faut trouver la clé du succès des boissons alcoolisées roses. « Tout vient du vin et de l’engouement qu’il suscite chez les femmes et les jeunes, car le rose est synonyme de vacances, de fête. C’est le créneau qui tire le marché du vin et qui a supplanté le blanc à l’apéritif », remarque Didier Coustou, responsable vin au Galec (Groupement d’achats des centres E.Leclerc).
Chez Leclerc, le marché des champagnes rosés (19% des ventes de champagne) est stable (+0.8% sur douze mois à fin mai). La bière rosée se porte également bien, avec 3,2 millions d’euros de rentrées pour Leclerc, dont 600 000 euros pour la seule 1664 rosée. « La bière rosée, ça marche, et le champagne rosé se vend aussi beaucoup, surtout en fin d’année, confirme Didier Coustou. Même les jeunes et les femmes s’y mettent ». Car ce sont bien ces deux « cibles » que les marques visent. Selon l’association des Brasseurs de France, « moins de 20% de femmes » consomment de la bière dans le pays.
Dans son livre consacré au rose***, le photographe et journaliste Philippe Durand Gerzaguet rappelle que, longtemps, le rose n’a pas eu de sexe. Ce n’est, selon lui, qu’à partir des années 1950 que le rose s’est invité dans la mode et la grande consommation en tant que « couleur féminine par excellence ». Soixante-dix ans plus tard, la tendance est restée, pour un pari qui peut s’avérer payant « si la marque a quelque chose à dire », précise Elizabeth Condemine.
*Source Kantar/Pernod-Ricard
**Prix constatés au 28/07/2014 sur auchan.fr, monoprix.fr, Intermarché Villeurbanne (69) et Intermarché Strasbourg-Oberhausbergen (67)
*** Rose, éditions Eyrolles, 71 pages, 7,90 euros
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